Pendant la Grande Guerre, 2 000 volontaires indochinois participent à la fabrication de bombes de crapouillots à l’atelier de chargement de Castres. En quatre ans d’activité, ils perdent 75 des leurs à la suite de maladies ou d’accidents d’origine professionnelle.
Les Castrais n’ont jamais tout à fait oublié les Annamites de l’arsenal. Ils ont retenu les circonstances de leur installation en 1915-1916, l’étrangeté de leurs rites funéraires, la beauté de leurs jeux, mais rien de leur vie de travailleurs civils ou mi-litarisés. Comme l’Armée tenait ces ouvriers coloniaux à distance de la population, qui pouvait connaître la place majeure qu’ils occupaient à l’atelier de Laden et à la poudrerie de Lacaze-Basse, le rôle capital qu’ils jouaient indirectement dans la guerre de positions et la manière abrupte et méfiante avec laquelle l’administration les traitait ?
En regard des soldats glorieux de l’avant, qui ont supporté le poids extraordinaire de la Grande Guerre, ne fallait-il pas rendre compte aussi de ces ouvriers obscurs de l’arrière qui, au prix d’un lointain exil et au péril de la vie, ont fourni en munitions l’artillerie de tranchée ?